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Vincent Gautrais, « Introduction au droit des affaires électroniques : ou l’appropriation de la nouveauté par le droit », dans Guy Lefebvre et Stéphane Rousseau (dir.), Introduction au droit des affaires, Montréal, Thémis, 2007, p. 483-531.

[1] « Nouvelles technologies »! Près de 15 ans après l’intégration massive des technologies de l’information dans la vie de tous les jours, l’on peut légitimement se demander si elles sont si nouvelles que l’on veut bien le prétendre. « Les « nouvelles » technologies sont plus anciennes que nous ne le pensons généralement » affirme d’ailleurs Michel Serres[1]. Mais avant de même tenter d’offrir une réponse à cette question, il est en tout premier lieu important de se demander si elle mérite d’être posée? En effet, la nouveauté s’apprécie d’abord par le biais d’un regard subjectif qui consiste parfois, selon la réponse que l’on souhaite apporter, à déterminer si une bouteille est à moitié vide ou à moitié pleine. Aussi, il s’avère que les spécialistes en droit des technologies de l’information sont davantage portés à insister sur les particularités de ce droit que les généralistes qui traitent, accessoirement, des technologies de l’information. Un phénomène qui somme toute est passablement humain; plus on scrute après précision un phénomène, et plus on est porté à lui donner une importance.
[2] Étant donné notre approche parfois quelque peu détachée du droit « traditionnel », positif, étant donné aussi que nous avons axé depuis plus de 10 ans une bonne partie de nos recherches sur ce domaine en émergence, notre cœur balance vers la position selon laquelle le droit des technologies de l’information est un droit différent à bien des égards. Mais les différences ne se matérialisent pas dans la sphère juridique de la même façon partout; d’abord elle est tout fait perceptible dans l’inhérence même du droit du technique alors qu’elle l’est moindrement dans la technique du droit qui est utilisée (Partie 1). Ensuite, si les fonctions essentielles du droit demeurent les mêmes quel que soit l’environnement technologique en cause, ces dernières sont l’objet d’une application nouvelle (Partie 2). Ainsi, les lois récentes qui sont venues, d’une part, faciliter les affaires électroniques et, d’autre part, s’assurer que les rapports de force soient préservés, ont parfois bouleversé le droit en tant que substance.
[3] La première partie s’attachera davantage à ce qui « est »; la seconde plutôt à ce qui « doit ». Fidélité descriptive et point de vue plus subjectif. Cette dichotomie peut être rapprochée sans aucun doute des « deux modèles généraux de connaissance » présentés par Vittorio Villa[2], l’un prônant le contact avec la réalité, l’autre la mise en avant d’un préalable construit, subjectif.


[1] Michel SERRES, « La communication contre la culture – Entre Disneyland et les ayatollahs », (septembre 2001) Le Monde diplomatique, disponible à http://www.monde-diplomatique.fr/2001/09/SERRES/15620.
[2] Vittorio VILLA, « La science juridique entre descriptivisme et constructivisme », dans Paul AMSELEK, Théorie du droit et science, Paris, P.U.F., 1994, p. 288. Dans cette même optique, nous pourrions citer Andrew S. BURROWS, « The Will Theory of Contract Revived – Fried’s « Contract as Promise » », (1985) 38 Current Legal Problems 141, 150.
 

Ce contenu a été mis à jour le 11 décembre 2019 à 9 h 37 min.