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Vincent Gautrais, « Le droit de la cyberconsommation existe-t-il ? », dans Michel Moreau et Claude Ophèle (dir.), Les nouveaux territoires du droit et leur impact sur l’enseignement et la recherche , Paris / Montréal, Éditions L.G.D.J. / Éditions Thémis, 2004, p. 97-135.

[1] Le droit de la cyberconsommation existe-t-il? La question peut choquer relativement à un domaine généralement jugé comme étant d’ordre public et touchant une population dûment considérée comme vulnérable. Pourtant, le droit est loin d’être absent de ce phénomène commercial émergent : d’abord, il y a les règles générales du droit de la consommation qui s’appliquent évidemment à toute relation de consommation, quel qu’en soit le support. Ensuite, il y a une kyrielle de règles spécifiques à la cyberconsommation, qu’elles soient formelles ou informelles et qui, en tout état de cause, ne manquent pas de poindre petit à petit dans l’horizon

[2] cybernétique. Enfin, on peut citer les différents textes que les sites Internet ont instaurés comme des contrats, politiques, conditions d’utilisation ou conditions de vente qui émergent ici et là, parfois de façon peu réfléchie, et que l’on pourrait « théoriquement » qualifier d’usages ou de pratiques.
[3] Pourtant, et malgré ces sources juridiques multiples sur lesquels nous allons revenir, il est, pensons-nous, possible de prétendre que le droit de la cyberconsommation est grandement imparfait et mériterait peut-être d’être repensé, avec un « e » et un « a ».
[4] Il est vrai que le domaine ne prête pas à l’euphorie et une « gueule de bois » durable, depuis 18 mois, a tendance à reporter de tels questionnements à plus tard. B2C, abréviation bien connue s’il en est, amenait certains cyniques à croire que cela ne voulait plus dire « Business to Consumer » mais « Back to Cleveland » afin de matérialiser le retour d’américains partis dans l’ouest pendant l’euphorie de la nouvelle économie. Plus sérieusement, la cyberconsommation stagne à cause d’une pathologie clairement identifiée : la sempiternelle confiance. Sans proposer une analyse qui serait trop « juridico-centrée », cette crise de confiance est notamment due à une effectivité du droit. Droit avec un grand « D », droit qui inclus des textes formels, certes, mais aussi des pratiques, usages ou autres normes informelles disposant d’une effectivité non négligeable. Il n’importe donc pas de savoir si la cyberconsommation est face à un vide juridique, question un peu lancinante, un peu ennuyante aussi, dont on sait désormais et assurément que la réponse est négative; la question est plutôt de savoir si les règles qui s’appliquent sont efficaces; si les règles qui s’appliquent sont effectives; si le droit remplit son objectif d’encadrement de la « réalité vivante », conformément à l’expression de Jacques Ghestin.
[5] Dans le cadre de cette présentation, il s’agira donc de montrer, d’abord, que le droit actuel présente des signes de faiblesse (Partie préliminaire). Ensuite, nous développerons l’idée selon laquelle il importe de reconsidérer le contrat de cyberconsommation (Partie 1) et, enfin, qu’il est également nécessaire de repenser l’encadrement normatif qui entoure la cyberconsommation (Partie 2). Un constat, deux solutions, que nous nous proposons de présenter dans le cadre d’une partie préliminaire et de deux parties successives.

Ce contenu a été mis à jour le 11 décembre 2019 à 9 h 42 min.