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Programme

Introduction: Vincent Gautrais (Directeur CRDP) et Mustapha Mekki (Directeur IRDA)

Matinée – Le droit de la preuve à l’aune du développement durable (9h) 

Atelier 1) Administration judiciaire de la preuve et développement durable  (9h à 9h45)

  • Soraya Amrani-Mekki (Paris 10 Nanterre)

Dans ce premier atelier, en introduction, nous envisagerons la nécessite d’un droit processuel de l’environnement. Si la réponse nous semble devoir être négative, du fait des spécificités partagées avec d’autres matières, le domaine apparaît assurément être un bon laboratoire d’analyse des questions probatoires en particulier. Dans une première partie, nous envisagerons le problème de la charge de la preuve lié principalement à son coût. Nous verrons donc comment on peut le régler soit en modulant la charge soit en faisant peser le coût sur autrui. En seconde partie, c’est davantage l’objet de la preuve que nous analyserons et qui se pose en la matière de manière singulière : preuve du doute, du risque, du dommage grave et irréversible mais incertain en lien avec les différents modes de preuve dont l’expertise. Finalement, dans cette matière, l’objectif est plus qu’ailleurs la recherche d’une solution acceptable que celle d’une quête de la vérité.

  • Catherine Piché (Université de Montréal)

Eau potable, santé, agriculture, biodiversité, énergie, climat… Tous ces domaines ont fait l’objet et continuent de faire l’objet de litiges ici et ailleurs à travers le monde. Dans ces litiges systématiquement complexes, collectifs, à la fine pointe de la science et de la technologie, l’accès à l’information est difficile, sinon impossible, dû au bâillonnement scientifique des gouvernements et à l’absence de données scientifiques neutres et indépendantes. Ces données, lorsqu’existantes, sont fondées sur l’attribution d’une valeur monétaire, conformément aux objectifs du développement durable, alors qu’aucune valeur ne devrait dans l’absolu leur être attribuée dans un contexte environnemental. La preuve scientifique et technique requise présente également plusieurs défis sur le plan de son administration. La recevabilité de l’expertise scientifique dans les domaines d’un genre nouveau pose problème, malgré le devoir de prudence des tribunaux. De même, l’appréciation par le tribunal de la fiabilité de cette expertise, ainsi que de la vérité émanant d’expertises contradictoires, demeure difficile – sinon impossible – comme arbitre traditionnellement neutre et impartial. Au final, le droit de l’environnement et du développement durable est entièrement tributaire de la preuve d’atteinte à un droit de l’environnement, qui sera apportée le plus souvent par l’expert. Sans cette preuve, les dossiers de contamination, d’atteinte à l’habitat naturel, de pollution, ou autre, ne verraient jamais le jour.

Atelier 2) Les modes de preuves informels et développement durable (9h45 à 10h30)

  • Anne Penneau (Paris 13 Sorbonne Paris-cité)

Les pratiques entrepreneuriales montrent l’importance grandissante des évaluations par tierces-parties, en vue le plus souvent sur une certification qui se montre par un label. On évalue et l’on certifie ainsi des produits, des services et même les organisations des entreprises en tant que telles. Le développement durable n’échappe pas au phénomène, que ce soit sous la modalité d’une démarche à certains égards imposée ou sous la modalité d’un simple volontariat.

La prétention expertale desdites démarches de certification, qui sont dans un premier temps indépendantes de toute considération judiciaire,  interroge néanmoins sur de possibles répercussions en termes de preuve contentieuse, dans des cas où  surgit un conflit relatif aux performances ou à la qualité des objets certifiés. Les professionnels qui ont recouru à une certification, attendent qu’elle fasse autorité et les protège. En face de quoi les juges restent, quant à eux, manifestement circonspects et prudents, sans pour autant rejeter toute influence sur la détermination de responsabilités ou d’une conformité. Il y a de toute évidence un équilibre à trouver, ce qui suppose une approche systémique, les  conditions de production des normes et de la certification étant déterminantes de leur possible valeur en tant que preuves à des degrés divers.

  • Vincent Gautrais (Université de Montréal)

De plus en plus, le monde du développement durable prend appui sur une normativité informelle provenant de regroupements communautaires (GRI, ISO, etc.) exigeant des entreprises d’objectiver leurs obligations en la matière par la production de documentations internes. Si ce phénomène ne doit pas être rejeté, la complexité et l’internationalité des approches exigeant un tel complément normatif, l’on doit se pencher davantage sur de telles preuves qui sont présentées devant les tribunaux et sur la recevabilité qui en est faite. [PPT disponible ici]
Pause

Atelier 3) Contractualisation de la preuve et développement durable (10h50 à 11h35) 

  • Romain Boffa (Université de Lille 2)

Evoquer la contractualisation de la preuve en droit de l’environnement, c’est s’intéresser à la rencontre entre d’un côté les conventions sur la preuve et de l’autre le droit de l’environnement. A première vue, la rencontre n’a rien d’évidente. L’absence d’étude consacrée à la question le révèle. Or, tout oppose le droit de la preuve et le droit de l’environnement, ce qui rend particulièrement sensible la question de la contractualisation. En effet, le droit de la preuve est d’essence libérale : la liberté y a toute sa place. Il est ainsi acquis que les règles sur la preuve ne sont pas d’ordre public, de sorte que les parties peuvent, par contrat, les aménager. A l’inverse, le droit de l’environnement est d’essence sociétale. Il s’agit précisément de dépasser la logique utilitariste des rapports économiques (profit, rendement), pour sauvegarder, sur le long terme, la nature. Cette confrontation entre deux logiques suppose d’apprécier d’une part l’utilité de la contractualisation et sa validité. A l’analyse, il apparaît que des limites au pouvoir de la volonté sont nécessaires, pour ne pas que la question de la preuve rende illusoire, devant les prétoires, la protection de l’environnement.

  • Hugo Tremblay (Université de Montréal)

L’évolution des mécanismes de mise en œuvre de la Loi sur la qualité de l’environnement révèle une modification des rapports entre le sujet et la puissance publique tant lors de l’assujettissement des activités polluantes aux contrôles administratifs que lors de la sanction des contraventions. Ce changement tire son origine de l’échec tacite du droit de l’environnement, qui découle en partie de l’inadéquation des méthodes de supervision et des moyens de preuve traditionnels à l’égard de phénomènes complexes et fugaces. La recherche d’une efficacité accrue pousse l’Administration vers des modes d’interaction avec les administrés qui s’apparentent à la contractualisation, d’abord par la négociation de normes particularisées incluant la transmission de données grâce auxquelles l’autorité de police acquiert la capacité de démontrer les manquements aux normes, puis par la mise en place d’un régime de sanctions administratives alignant le fardeau de preuve sur les règles du droit civil. L’exercice d’une discrétion administrative hors des processus normalisés lors de l’autorisation des activités polluantes de même que la marginalisation des mécanismes traditionnels de sanction pénale suggère l’expression libérée de la volonté de l’État dans sa relation à l’administré, ce qui invoque une caractéristique typique du contrat. L’effacement des contraintes procédurales, autant dans le contrôle de la légalité des actes de l’administration que dans la dimension punitive affranchie de la protection contre l’auto-incrimination, dégage un domaine normatif plus autonome et singulier, ce qui confirme la parenté avec le phénomène contractuel tout en révélant une profonde asymétrie entre les parties.

Atelier 4) La preuve et le préjudice écologique (11h35 à 12h20) 

  • Philippe Brun (Université de Savoie Mont-Blanc)

Le préjudice écologique affiche au regard du fond du droit, une spécificité très marquée, dès lors du moins qu’on l’entend exclusivement des atteintes à l’environnement lui-même (sans y inclure les préjudices personnels patrimoniaux et extrapatrimoniaux que peuvent occasionner ces atteintes environnementales). Il serait surprenant que ces particularismes ne se retrouvent pas sur le plan de la preuve. De fait, la preuve du préjudice écologique suscite des difficultés que l’on peut rattacher à l’idée que le préjudice écologique n’est pas un préjudice comme un autre : la mesure de l’état antérieur au fait dommageable auquel il s’agit en principe de revenir est très délicate à déterminer. D’autres facteurs, notamment naturels peuvent expliquer concurremment le préjudice écologique, et la question de la preuve du préjudice écologique est très largement liée à celle de la preuve du rapport de causalité. Il faut encore compter avec une donnée physique, la capacité d’auto-régénération de l’environnement, qui complique la caractérisation du préjudice écologique. A ces difficultés spécifiques, s’ajoutent les problèmes inhérents à la preuve du préjudice en général (mais qui peuvent se présenter avec une acuité accrue en la matière) : coût des expertises, accès aux éléments de preuve etc. La preuve du préjudice écologique se trouve ainsi confrontée aux difficultés inhérentes à la preuve de tout préjudice, et à celles plus spécifiques liées à au particularisme du préjudice écologique.

  • Lara Khoury (Université McGill)

L’étude de la question de la preuve du préjudice écologique procède de la prémisse de la reconnaissance du préjudice écologique comme préjudice indemnisable. En droit québécois, la tendance est plutôt d’aborder les atteintes à l’environnement par le biais du préjudice causé aux biens ou du préjudice causé à la santé. Une telle position laisse deviner que les problèmes de preuve en responsabilité environnementale québécoise nuisent principalement à la démonstration du lien causal entre l’atteinte à l’environnement et le préjudice à la santé humaine. Après avoir présenté un bref état de lieux quant à la question de la reconnaissance judiciaire du préjudice écologique et de sa preuve, la présentation élargit donc le débat en abordant principalement ce problème de preuve de la causalité.

Diner

Après-midi – Le droit du développement durable à l’aune de la preuve 

Atelier 5) Aspects probatoires de la responsabilité sociale des entreprises (14h à 14h45) 

  • Géraldine Goffaux-Callebaut (Université de Brest)

Si l’entreprise a bien pour but de faire des bénéfices, elle intègre désormais des préoccupations sociales, sociétales et environnementales dans sa stratégie. Mais cette stratégie, initialement guidée par la volonté de communiquer positivement sur l’entreprise, est rattrapée par le droit. La question de la preuve permet de déterminer la portée des engagements sociaux et environnementaux des entreprises. A cet égard, la preuve peut être appréhendées dans ses deux acceptions. Au sens commun, il s’agit pour l’entreprise d’attester des efforts qu’elle fournit. Au sens juridique et judiciaire, il s’agit pour les parties prenantes de contester les engagements affichés par l’entreprise.

  • Julie Biron (Université de Montréal)

L’élaboration et l’adoption de règles ou de normes auxquelles les sociétés s’assujettissent volontairement sont essentielles pour assurer la confiance du public, la sécurité de tous et le bien-être des différents acteurs amenés à entrer en relation avec ces sociétés. En effet, ces instruments participent au respect de la législation sociale, environnementale et économique en vigueur tout en proposant des règles qui vont plus loin que ce qui est exigé légalement. Toutefois, au Québec, ces engagements ont une utilité limitée lorsqu’il est question de preuve, que ce soit pour l’entreprise elle-même, ou pour un tiers. Cette présentation propose un tour d’horizon québécois de la place qu’occupent les normes légales et les engagements volontaires pris par les entreprises en matière de RSE.

Atelier 6) Preuve et santé au travail (14h35 à 15h30) 

  • Laurent Gamet (Paris 13 Sorbonne Paris-cité)

Résumé à venir.

  • Nicolas Vermeys (Université de Montréal)

«Depuis quelques années, on assiste à une prolifération des sources documentaires technologiques soumises tant à la Commission de la santé et de la sécurité du travail qu’à la  Commission des lésions professionnelles. Ainsi, les sites de réseaux sociaux sont devenus un outil incontournable pour les employeurs qui tentent de documenter le comportement frauduleux d’employés, alors que les outils tels Wikipédia et Google maps deviennent des références privilégiées pour certains commissaires vu leur convivialité et disponibilité.» 

Pause

Atelier 7) Dans un contexte international  (15h50 à 17h) 

  • Richard Ouellet (Université Laval)

La jurisprudence OMC est riche d’enseignements quant à la lourdeur de la charge de la preuve imposée au gouvernement qui invoque à son profit l’objectif du développement durable pour justifier une mesure incompatible avec l’une ou l’autre des règles des accords de l’OMC. On constate d’abord que les fardeaux de preuve imposés au Membre défendeur qui invoque l’article XX du GATT ont tendance à s’alléger. Les trois tests liés au but légitime de la mesure, à sa nécessité et à l’absence de discrimination dans l’application semblent avoir gagné en souplesse au fil des rapports adoptés par l’ORD. On constate aussi que les fardeaux de preuve liés à l’invocation du développement durable varient sensiblement si un autre accord que le GATT est invoqué.

  • Jaye Ellis (Université McGill)

La Cour internationale de justice a eu deux occasions récemment de démontrer sa capacité de se pencher sur les questions techniques demandant une contribution importante d’expertise scientifique. Plusieurs observateurs – et deux membres du  banc – ont conclu que la première des deux occasions, Usines de pâte à papier, a été complètement ratée. L’opinion est plus partagée quant à la deuxième occasion, Chasse à la baleine. Cette fois-ci, la Cour a agi de façon plus réticente, ciblant le processus décisionnel qui a mené à la délivrance de permis de chasse à la baleine plutôt que la substance de cette décision. Cette approche est particulièrement prometteuse; elle indique une reconnaissance des contributions respectives de la science et le droit et, notamment, des limites du raisonnement juridique.

  • Laurent Fonbaustier (Paris 11)

La délicatesse des relations qu’entretiennent la preuve et le développement durable en contexte international se révèle particulièrement bien à travers les différends environnementaux susceptibles de s’élever entre les États. Si le système de la preuve dans les contentieux internationaux est largement structuré par des données et contraintes relevant classiquement du droit international public, l’arrière-plan technique et scientifique caractéristique des problématiques écologiques joue également un rôle (spécialement observable lorsqu’est en cause la logique de précaution). Sans qu’une synthèse soit aisément possible, on peut souligner qu’aujourd’hui encore, la preuve des dommages et des risques reste procéduralement sous l’emprise des États, rétifs aux intrusions et contrôles des instances internationales, les juges (Cour internationale de Justice en tête) hésitant, pour de nombreux motifs, à mobiliser les outils qui, mis à leur disposition par leurs statut et règlement, favoriserait pourtant un système de preuves plus sûr, efficace et transparent.

8) Synthèse

  • Mustapha Mekki (Paris 13 Sorbonne Paris-cité) (17h) 

 

 

Ce contenu a été mis à jour le 15 janvier 2015 à 11 h 32 min.