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Subvention CRSH «Savoir» sur la «Normativité individuelle»

Nous avons le plaisir d’annoncer que nous venons de nous voir octroyer une subvention «Savoir» du CRSH (83 176$) (2015/2018) s’intitulant «Normativité individuelle: enjeux juridiques de la documentation». Dans de multiples domaines du droit, que ce soit le droit de la preuve, de la droit de la protection des renseignements personnels, le droit de l’environnement, les acteurs doivent objectiver leur diligence en développant des normes internes où ils explicitent les mesures qu’ils mettent en place.
La présente demande est dans la droite ligne de travaux qui s’opèrent au CRDP que ce soit en droit de la preuve (Axe 1), droit des technologies (Axe 2), droit de la santé et de l’environnement (Axe 3), le tout en réfléchissant sur l’internormativité (Axe 1) qui existe entre des normes formelles, informelles, contractuelles et individuelles.

(Extraits de la demande déposée)

La présente demande de subvention entend étudier un phénomène qui se généralise où des entreprises privées, ministères et organismes publics élaborent des documentations internes afin de mieux préciser leurs obligations documentaires. Dans le silence des normes multilatérales formelles (lois et règlements) et informelles (normes techniques, codes de conduite, etc.), des normes bilatérales (contrats), nous comptons envisager le développement de cette normativité individuelle tant pour ce qu’elle est que face aux interactions qu’elle déploie auprès des autres formes de normativité.
Objectifs

  • Identifier et mesurer l’expansion du phénomène de la normativité individuelle ;
  • Analyser les conséquences factuelles de la normativité individuelle (coûts, complexité, efficacité, gestion de la technicité, etc.) ;
  • Analyser les conséquences juridiques (validité, responsabilité (nature de l’obligation), contrat, etc.) de la normativité individuelle ;
  • Situer le phénomène par rapport aux autres normes, formelles et informelles ;
  • Proposer une taxonomie des principales  documentations ;
  • Proposer des modèles et des guides de rédaction de documentations.

Contexte
« Aide-toi et le web t’aidera ! » C’est par cette boutade que nous voulons faire état d’un constat qui se vérifie dans plusieurs de nos champs de spécialisation et notamment le droit de la preuve et le droit de la vie privée. En effet, dans ces deux domaines du droit, un phénomène apparaît avec une récurrence de plus en plus soutenue et selon lequel les acteurs, tant publics que privés, doivent au préalable expliciter comment ils gèrent des documents qu’ils ont l’obligation de conserver. Que ce soit pour augmenter la valeur juridique des documents (LCCJTI, article 5) et notamment leur utilisation en preuve (Loi sur la preuve, 2001) (Code civil français, 2000), ou que ce soit pour respecter une obligation législative précisément exigée, comme cela tend à être le plus souvent le cas en vie privée (LPRPDE, 2000), au Canada et ailleurs, les organisations élaborent au préalable des documentations explicitant leur gestion documentaire. Concrètement donc, des politiques ou procédures décrivent la façon dont les documents sont gérés, gardant ainsi une « trace documentaire » (Proposition de règlement européen, 2012) du « cycle de vie » du document concerné (LCCJTI, article 6).
 
Généralisation de la normativité individuelle
Car en effet, les lois et textes nouveaux généralisent ce type de procéduralisation. Parmi les exemples les plus significatifs, dans nos deux domaines d’études, le recours à la documentation se trouve, en matière de droit de la preuve, pour le transfert de documents (LCCJTI, article 17), l’authenticité des documents (Loi sur la preuve, 2000), la communication de données confidentielles (LCCJTI, article 34), la sécurité des documents (LCCJTI, article 11), l’utilisation d’outils biométriques (LCCJTI, article 40), la rédaction d’actes authentiques (Décret français, 2005), etc. En ce qui a trait à la protection des renseignements personnels, si on observe le même constat dans certains textes plus anciens (LPRPDE, 2000) (Directive européenne, 1995) c’est surtout dans les plus récents (Proposition de règlement, 2012), (Rapport Albrecht, 2013), (Règlement sur la diffusion, 2008), etc., que le constat se vérifie.
 
Au-delà de ces exigences formelles, il existe également un certain nombre de situations où, même si la loi n’exige rien d’explicite à cet égard, cette façon de procéder est source de protection pour le gestionnaire. Ainsi, en matière de preuve, au-delà de l’obligation formelle de documenter, il est généralement reconnu qu’une telle pratique est gage de sécurité juridique (ISO 15489-1, 2001) (Sécurité des Deux-Rives c. Groupe Meridian, 2013 QCCQ 1301) (De Rico et Jaar, 2008) (Ontario v. Johnson Controls, 2002 OCSC 14053). Elle peut donc permettre, par exemple, d’étayer un témoignage déposé en preuve (Gautrais, 2014) ou servir à renforcer la véracité de l’information d’une page Wikipedia (Cardon et Levrel, 2009) (Vermeys et Gingras, 2011) (Gautrais, 2012). De la même manière, en matière de vie privée, la documentation est vue comme une preuve de diligence dont il faut tenir compte (R. c. Cole, 2012) et c’est la raison pour laquelle de nombreuses entreprises n’échappent pas au phénomène. Par exemple, en 2011, aux Etats-Unis, Facebook a consenti avec le Federal Trade Commission (FTC) de se faire auditer durant une période de 20 ans. La doctrine n’est pas en reste et l’on trouve une littérature fournie qui, sous des appellations variées, évoque des notions qui nous semblent correspondre à un même recours à des documentations préalables. Ainsi, que ce soit sous les expressions telles que « Privacy by Design » (Cavoukian, 2009) (Rubinstein, 2012), modélisation (Duaso Calès, 2012), imputabilité (« accountability ») (Bennett, 2012) (Raab, 2012), audit, une forme de normativité individuelle est requise. Évidemment, les deux domaines d’études n’ont pas le monopole de ce phénomène. On peut par exemple citer les règles de conformité qui prévalent en matière de droit des valeurs mobilières où les entreprises cotées en bourse doivent documenter au préalable leurs façons de faire (Gautrais, 2007). Il en est de même en droit des contrats et particulièrement ceux de consommation où différentes étapes doivent être suivies à la lettre par les commerçants (Gautrais, 2014). À certains égards, il en est de même en matière de responsabilité des hébergeurs qui mettent en place des procédures pour objectiver leurs obligations (Vermeys, 2013). De façon identique, les entreprises sont de plus en plus obligées, en accord avec des dispositions relevant du droit de l’environnement, d’identifier au préalable des politiques et procédures afin de restreindre ou mesurer leur empreinte écologique (Esty, 2004) (Kysar & Salzman, 2008).

 

Ce contenu a été mis à jour le 15 avril 2015 à 8 h 47 min.