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Après Snowden – Introduction

Snowden : ce nom propre est devenu l’image commune du potentiel immense de surveillance que des États sont capables de faire et exercent réellement sur leurs concitoyens. Disposant de ressources presque sans limites, disposant aussi des plus grandes banques de données de renseignements personnels, les États se trouvent dans la situation de l’enfant dans un magasin de bonbons : une pléthore d’informations est accessible ; il n’y a qu’à tendre la main. D’ailleurs, et conformément à une idée très souvent répandue, notamment par l’auteur français Jean-Marc Manach, « La vie privée, un problème de vieux cons », le danger n’est peut-être pas tant dans l’usage des données personnelles fait par les entreprises américaines que les européens se plaisent à haïr que dans les libertés outrageuses que les États s’octroient à l’occasion, unilatéralement, au nom de la sécurité nationale.
En fait, pour être honnête, nous ne savons que peu de choses tant les écarts de conduite qui font, souvent, les manchettes parviennent à la connaissance de tous presque par accident. L’affaire Snowden est une de ces fuites accidentelles que l’État étatsunien n’a en fait pas, de gré ou de force, décidée de démentir. Wikileaks en était une autre permise par une gestion documentaire désastreuse des services dits d’intelligence. En droit de la preuve, on pourrait dire que face à un témoignage d’un individu, il y a l’aveu d’un État qui ne nie que peu de choses. Il n’en demeure pas moins, que cette ignorance, génère du fantasme. Un fantasme d’autant plus présent que les technologies sont propices à leurs développements.
Il y a donc d’abord un fantasme du fait de l’obscurantisme inhérent à ces activités presque par nature occultes ; il y a ensuite un fantasme exacerbé par l’impression que les technologies suscitent ; cette « technomagie » désignée par l’anthropologue Vicenzo Susca (pdf) relative aux objets numériques qui génèrent de l’émotion, tant positive que négative ; tant gorgée d’espérances que de peurs.
La peur parlons-en ! Elle est en effet grandement instrumentalisée pour passer de nouvelles lois, densifier les contrôles, installer des caméras dans nos villes sans trop savoir si tout cela est vraiment efficace. La peur si communément relayée par les médias qu’il nous a été par exemple possible de mesurer avec mon collègue Dupont directeur du CICC quant à la fracture entre la couverture médiatique des infractions en lien avec les technologies et la réalité judiciaire sensiblement moindre. Ces peurs sont donc en effet l’une des émotions les plus prégnantes qu’il nous est donné de constater dans ces matières.
Aussi, face à ce ressenti, face à ces émotions, face à ces peurs, je vous propose une parade infaillible : 1) de la compétence ; 2) de l’interdisciplinarité ; 3) de l’engagement.
Relativement à la compétence, vous l’aurez compris, mon rôle confortable d’animateur est donc le plus sûr moyen de cacher l’ignorance précitée ; confort d’autant plus moelleux que les panélistes qui m’entourent sont eux des experts sur ces questions. Par ordre alphabétique, Anthony Amicelle est professeur en criminologie, membre du Centre de recherche « ami » qu’est le CICC, et s’intéresse à l’interface entre terrorisme et finance. Martin Lessard est un journaliste phare du domaine des technologies, nommé par La Presse comme un « des 8 incontournables du Montréal 2.0 ». Pierre Trudel, chercheur au CRDP, professeur de droit à la Faculté de droit, titulaire de la Chaire LR Wilson en commerce électronique et blogueur au Journal de Montréal en droit de l’information. Jérémie Zimmermann, est un activiste savant, français, cofondateur et l’ex porte-parole de La Quadrature du Net.
J’aimerais enfin évidemment souligner que cette conférence est un concours heureux avec Mathieu Gauthier-Pilote du Facil (Pour l’appropriation collective de l’informatique libre) et que cette activité se déroule dans le cadre de la semaine québécoise de l’informatique libre. Egalement, il me faut remercier chaleureusement Mozilla Québec qui participe au financement de cette activité et sans lequel l’activité n’aurait pu avoir lieu.
Relativement à l’interdisciplinarité, vous aurez remarqué la grande variété des panélistes qui originent de milieux différents (journalisme – droit – criminologie – politique – universitaires – activiste – etc.) ; variété en revanche guère marquée en ce qui a trait au genre, surtout au lendemain du discours aux Nations-Unies d’Emma Watson, ayant du subir malheureusement quelques défections féminines lors de l’organisation du présent panel.
Relativement à l’engagement enfin, je crois aussi pouvoir affirmer que l’ensemble des panélistes en sont abondamment chargés. Un engagement qui est sans doute nécessaire pour tenter de dompter, d’analyser ce déjà demain. « Le pessimisme est d’humeur, l’optimisme est de volonté » disait Alain. Et la citation doit être complétée par cette phrase moins connue selon laquelle « Tout homme qui se laisse aller est triste ». C’est la raison pour laquelle il me plait de présenter des gens d’action ; des hommes qui ne se laisse pas aller et qui j’en suis sûr ne sont pas tristes non plus. Dans la même voie, le philosophe Stiegler disait récemment dans une entrevue avec Michel Serres, « je ne suis ni optimiste, ni pessimiste, je suis combatif ».

« Je ne suis ni optimiste, ni pessimiste, je suis combatif » Bernard Stiegler.

 
C’est donc fort de cet amour du bien commun, fort des potentialités culturelles et démocratiques des technologies, que se déroulera la présente table-ronde.
Afin de gérer la complexité inhérente au sujet, nous avons décidé de présenter 3-4 grands groupes de questions que sont :

  • QUOI (présentation de l’affaire)
  • QUI (quels sont les acteurs qui doivent être impliqués)
  • COMMENT (comment la balance d’intérêts doit-elle s’effectuer)
  • QUELLES SOLUTIONS (juridique – politique – technologique)

Durant ces deux heures, une large place sera laissée à l’audience que je remercie d’être en si grand nombre.

Ce contenu a été mis à jour le 23 septembre 2014 à 20 h 53 min.

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